Complotistes, homophobes, néonazis... Dix comptes emblématiques de la dérive de Twitter sous Elon Musk


Le président américain Donald Trump fait partie des comptes controversés rétablis par le nouveau patron de Twitter Elon Musk.

Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, qui se définit comme un absolutiste de la liberté d’expression, la plate-forme a des petits airs de Gotham City, la ville fictive de Batman, au lendemain de l’ouverture des geôles de l’asile d’Arkham. Après « consultation » de sa base d’abonnés, massivement libertarienne et pro-Trump, l’homme le plus riche du monde a fait débloquer près de 12 000 comptes, qui avaient été suspendus pour des propos antisémites, racistes, misogynes, transphobes, ou des incitations à la violence. Tour d’horizon en dix portraits des principales figures, toutes anglophones, qui ont fait leur retour sur le réseau social de Musk.

Donald Trump, l’ex-président putschiste

Andrew Anglin, la star de la jeunesse néonazie

Marjorie Taylor Greene, la députée QAnon antivax

Project Veritas, le « média d’investigation » trumpiste et trompeur

Patrick Casey, le suprémaciste blanc des Républicains

« Sargon of Akkad », le gameur devenu théoricien islamophobe

James Lindsay, l’idéologue homophobe

The Babylon Bee, le « Gorafi » transphobe de l’Amérique réactionnaire

Andrew Tate, le kickboxeur et entrepreneur masculiniste

Kanye West/Ye, le rappeur antisémite de passage

  • Donald Trump, l’ex-président putschiste

Son dernier message date du 8 janvier 2021 : « A tous ceux qui se posent la question, je n’irai pas à l’investiture le 20 janvier [du président démocrate Joe Biden] ». Près de deux ans plus tard, le compte de Donald Trump semble, comme l’ancien président, figé sur sa défaite électorale qu’il ne cesse de contester et ruminer.

Deux jours après l’assaut du Capitole, sa page aux plus de 80 millions d’abonnés avait été « définitivement suspendue » par Twitter. Dans une décision rare, la plate-forme avait estimé que ses derniers messages, énièmes refus publics des résultats du suffrage, avaient contribué à motiver ses supporteurs les plus zélés. Depuis, l’ancien dirigeant de Twitter Jack Dorsey a publiquement fait part de ses regrets, déplorant une « décision commerciale » qui « n’aurait pas dû l’être ».

Elon Musk, qui durant la campagne électorale de 2020 avait multiplié les signes de connivence avec Donald Trump sans ouvertement appeler à voter pour lui, s’en est remis à un sondage en ligne, auquel ont participé 15 millions d’internautes mi-novembre, pour rétablir le compte de l’ancien président. Cette décision hautement symbolique, présentée comme la « vox populi », n’a pas eu tout à fait l’effet escompté. Le milliardaire, qui a proféré plus de 30 000 affirmations erronées ou trompeuses durant son mandat, selon le Washington Post, a pour l’instant refusé de se remettre à tweeter, préférant rester sur Truth Social, le réseau social concurrent qu’il a créé.

  • Andrew Anglin, la star de la jeunesse néonazie

Parmi les comptes restaurés par Elon Musk, peu ont fait autant couler d’encre que celui de ce militant d’extrême droite de 38 ans. Le rédacteur de The Daily Stormer, le plus influent site néonazi américain, est coutumier des affirmations antisémites, négationnistes, misogynes et suprémacistes, qui clivent même au sein des sphères d’extrême droite.

Celui qui se donne pour mission de faire que « les nations blanches soient nettoyées des ethnies non blanches » est l’un des plus vieux bannis de Twitter : son compte avait été suspendu en 2013. Elon Musk lui a permis de revenir avec ses 10 000 abonnés. « J’ai supprimé tous les vieux trucs qui étaient sur ce compte. Je suivrai de manière stricte les règles quelles qu’elles soient », a-t-il juré. Ce qui ne l’a pas empêcher de suggérer que Kanye West se porte candidat à la présidence des Etats-Unis, au lendemain d’un tweet du rappeur faisant l’apologie d’Hitler.

  • Marjorie Taylor Greene, la députée QAnon antivax

La complotiste QAnon et élue trumpiste à la Chambre des représentants de l’Etat de Géorgie, Marjorie Taylor Greene, relaie sur sa page quantité de rumeurs antivaccin et d’accusations de fraude électorale auprès de presque 2 millions d’abonnés. En janvier 2022, au nom de la lutte contre la désinformation médicale, Twitter avait définitivement suspendu son compte alors qu’elle avait attribué des « quantités extrêmement élevées de morts » aux vaccins contre le Covid-19. « Je suis la seule membre du Congrès américain que les oligarques non-élus de la Big Tech ont banni de manière permanente », s’était-elle agacée, avant qu’Elon Musk ne restaure ses accès le 22 novembre.

  • Project Veritas, le « média d’investigation » trumpiste et trompeur

Ce média américain d’extrême droite sulfureux, fondé en 2010, s’est spécialisé dans les vidéos coup de poing en caméra cachée, au parti pris militant et au montage trompeur. Une séquence de dix minutes avait fait sensation jusqu’en France : trois employés de Pfizer, présentés à tort comme des scientifiques chargés du développement du vaccin anti-Covid, y faisaient l’apologie de l’immunité naturelle en caméra cachée. Project Veritas a également tenté, en vain, de manipuler le Washington Post, qui a obtenu le prix Pulitzer en démontrant la supercherie. Suspendu en février 2021, le compte au million d’abonnés a été restauré le 23 novembre. Son premier message ? Un remerciement à Elon Musk pour « le soutien au vrai journalisme d’investigation », et un teaser sur le trafic d’enfants, autre antienne du complotisme trumpiste.

  • Patrick Casey, le cheval de Troie suprémaciste des Républicains

Patrick Casey était le chef de file du groupe identitaire d’extrême droite américain Identity Evropa, qui s’est dissout puis reformé en 2000, en adoptant le nom American Identity Movement. Le groupe s’était fixé pour but d’influer sur le parti républicain pour y normaliser les idées de suprématie blanche et de néonazisme, avec pour but l’avènement d’une « Amérique à 90 % blanche ». Plusieurs comptes administrés par M. Casey sous de fausses identités avaient été bloqués par Twitter ces dernières années. « Le fait qu’on me permette de revenir est un super signe », s’est-il félicité, avant de décrire le rachat de Twitter par Elon Musk comme un exemple d’« événement inattendu et providentiel ».

  • « Sargon of Akkad », le gameur devenu théoricien islamophobe

Sargon of Akkad, Carl Benjamin à l’état civil, 265 000 abonnés depuis son retour, est un youtubeur d’extrême droite britannique, qui s’est fait connaître lors du mouvement néoréactionnaire et antiféministe dit du « GamerGate », qui a animé le milieu du jeu vidéo de 2014 à 2016. Il y diffusait des vidéos misogynes et anti-immigration. Il avait été banni de Twitter en 2018 pour incitation à la haine ; la même année, il avait débattu du « racisme scientifique » dans une vidéo avec le néonazi américain Richard Spencer et co-créé une association politique avec l’activiste anti-islam britannique Tommy Robinson.

En 2019, Carl Benjamin avait été candidat du parti ultraconservateur et pro-Brexit UKIP aux élections européennes. « Merci de me ramener à la vie », a-t-il tweeté dans son premier message de retour, le 22 novembre, assurant être « un homme différent ». Tout en appelant à la restauration des comptes d’Alex Jones et de Milo Yiannopoulos, deux figures de l’extrême droite trumpiste.

  • James Lindsay, l’idéologue homophobe 

Mathématicien et auteur de plusieurs livres sur des sujets de société, James Lindsay était, il y a quelques années, un auteur se présentant comme progressiste mais critique de la « cancel culture » et des dérives de certaines formes de militantisme de la gauche américaine. Son compte Twitter avait été suspendu en début d’année, au terme d’une radicalisation qui l’a vu se couper de plusieurs de ses anciens alliés, y compris dans le camp conservateur. Il avait notamment déclaré que le drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBTQ+ , était le « drapeau d’un ennemi hostile », et évoqué le risque d’un « génocide blanc ». De retour avec 300 000 abonnés, il se promet de « vaincre les pédophiles », terme par lequel il désigne les personnes homosexuelles.

  • The Babylon Bee, le site parodique transphobe de l’Amérique réactionnaire

Assignée garçon à la naissance, la pédiatre Rachel Levine, secrétaire adjointe à la santé des Etats-Unis depuis mars 2021, est la première personne transgenre à assumer de si hautes fonctions dans l’administration américaine. En mars 2022, le quotidien USA Today la sélectionne parmi sa liste de femmes de l’année 2022. Un honneur qui inspire à The Babylon Bee un article moqueur. Ce site parodique américain suivi par 2 millions d’internautes désigne Rachel Levine « homme de l’année, » un trait d’humour transphobe qui vaut à son compte Twitter d’être partiellement suspendu pour « conduite haineuse. » Son compte a été restauré mi-novembre par Elon Musk. « Nous sommes de retour. Mettez-vous ça dans le crâne », s’est félicité The Babylon Bee dans son message de retour. Parmi les réponses, un tweet a suscité l’enthousiasme de sa communauté. Il disait simplement : « Rachel Levine est un homme. »

  • Andrew Tate, le kickboxeur et entrepreneur masculiniste

Ressortissant anglo-américain, Andrew Tate est un ancien champion de kickboxing qui s’est reconverti comme influenceur. Il publie des contenus virilistes et misogynes, et faisait partie des invités réguliers d’InfoWars, l’émission du conspirationniste américain Alex Jones. Ses comptes sur YouTube, Instagram et Facebook ont tous été suspendus ces deux dernières années en raison de ses saillies misogynes – il juge par exemple que les femmes victimes de viol sont responsables de ce qui leur est arrivé. Après cinq ans de suspension, son compte Twitter a été réactivé mi-novembre. « J’attends les esprits libres », a-t-il aussitôt twitté, en partageant un lien vers une formation payante promettant aux « mâles alpha » la solution pour « sortir de la Matrice ».

  • Kanye West/Ye, le rappeur antisémite de passage

Parmi cette galerie des comptes restaurés par Elon Musk, celui de la mégastar du rap fait figure d’exception : il avait pu jouir à nouveau de son accès Twitter en octobre, trois mois après avoir été suspendu pour des propos antisémites, avant d’être de nouveau banni par Musk lui-même le 2 décembre.

La veille, sous son nouveau nom de scène « Ye », l’artiste avait fait l’éloge d’Adolf Hitler dans l’émission du magnat américain du conspirationnisme, Alex Jones, avant de partager à ses 30 millions d’abonnés une image de croix gammée dans une étoile de David, convainquant le nouveau patron de la plate-forme de l’exclure à nouveau. « J’ai fait de mon mieux. Malgré cela, il a de nouveau enfreint nos règles interdisant l’incitation à la violence », s’est justifié M. Musk.

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